Salut les Copaings !
Les posts « marronniers » sur les problèmes d’équilibre en tangage et roulis m’ont donné l’idée d’un post dédié rassemblant les principes fondamentaux régissant les dits équilibres.
La somme des contributions pourra ainsi constituer une « base consultative » permettant aux néophytes de s’y référer aux fins de régler leurs problèmes.
Je m’y colle en introduction. Avec mon soupçon de connaissances théoriques élémentaires (forcément, je n’étais pas architecte naval) et mon zeste d’expérience en navigation (forcément limitée, n’ayant pas non plus que cela à foutre).
J’espère que cette contribution sera enrichie de nombreuses autres à venir et que certains d’entre vous – mieux équipés et plus compétents que je ne le suis en la matière – pourront même remplacer mes croquis merdeux par d’autres réalisés avec des logiciels ad hoc. Ou encore mieux, y adjoindre des animations en images de synthèse. Soyons fous !
Observations liminaires :
1 – La stabilité conceptuelle / structurelle / intrinsèque d’un canot croit géométriquement avec ses dimensions (longueur / largeur) et plus particulièrement avec sa masse / inertie qui s’oppose aux moments de forces mécaniques que subit la carène.
2 - Un canot – et d’autant plus lorsqu’il est court et léger - doit être aussi équilibré que faire se peut - en tangage et en roulis, en statique comme en dynamique - de par son
centrage.
3 – Les systèmes mécaniques de correction d’assiette – Trim / Flaps mobiles (J’exclus de mon propos les Jack Plate hydrauliques.) – ne doivent intervenir qu’à la marge sur un canot correctement centré. A l’occasion de certains moments particuliers comme le déjaugeage ou pour adapter le comportement à l’état de surface ou encore amener le canot à ses limites.
Ces systèmes n’ont pas vocation à être les « caches misère » d’un canot « à la rue » sur lesquels ils engendrent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent.
4 - Les déséquilibres en tangage et roulis
interagissent. Les phénomènes d’instabilité qui affectent un canot dépendent donc d’une succession de causes et d’effets multiples. Dans l’immense majorité des cas, ils ne se résolvent donc pas par une seule action sur une cause unique.
5 – Même si les lois physiques sont invariantes, la multiplicité des facteurs opérants comme la spécificité de chaque canot / type de pilotage fait qu’il n’existe pas de « remède miracle », de solutions prêtes à l’emploi. Il appartient donc à chaque Chef de Bord d’analyser ses problèmes d’instabilités et d’y apporter des remèdes cohérents avec les principes physiques par l’éternelle méthode du tâtonnement, essai / erreur
sur une seule variable à la fois.
Principes d'Equilibre et de Centrage :
A – Statique :
Un canot statique est soumis à deux forces opposées verticales : Le Poids (masse X accélération de la gravité) et la Portance (poussée d’Archimède) s’exerçant en leurs points d'application de la résultante des forces, le Centre de Gravité (
CG) et le Foyer ou Centre de Portance (
CP).
Le canot sera équilibré et son assiette neutre lorsque la ligne de quille sera horizontale / parallèle à la flottaison. CG et CP confondus, les vecteurs Forces s’exerçant sur le même axe.
Idem en roulis avec conservation de la symétrie des angles de V au tableau AR.
En tangage comme en roulis, lorsque les deux centres ne sont plus confondus de par le déplacement du CG (aménagements / accastillage / chargement dissymétriques), il se crée un couple de forces dont le moment croit proportionnellement avec l’éloignement de CG et CP. Cet effet de couple de forces déséquilibre le canot, le décentre.
Si le CG se déplace vers la proue en AV du CP, alors l’assiette deviendra négative / à piquer. C’est le centrage AV.
Si le CG se déplace vers la poupe en AR du CP, alors l’assiette deviendra positive / à cabrer. C’est le centrage AR.
Si le CG se déplace vers Tribord, alors le canot s’incline vers Tribord et le centrage est Tribord.
Idem vers Bâbord.
Les conceptions / montage / aménagement d’un canot comme la répartition de son armement à bord doivent pouvoir lui conférer cette assiette neutre en statique.
Or cela n’est réellement possible qu’avec certains types de canots aux possibilités d’aménagements modulables / custom : coque nue sur laquelle on va disposer les aménagements ad hoc, une fois le(s) moteur (s) choisi(s) et le poids sur le tableau déterminé.
Sur les autres canots, où les aménagements sont déjà installés – parfois contre moulés- par le chantier et dont la puissance / poids / nombre des moteurs n’est pas arrêté à la construction, il sera souvent constaté après choix / montage d’un moteur,
un décentrage structurel.
Dans l’immense majorité des cas, en tangage, il sera décentré AR (à kul). Il pourra même avoir un petit coté « penche à droite » plus souvent que « penche à gauche ».
Effectivement, nombre de chantiers privilégiant dans leurs aménagements le confort / vie à bord plutôt que l’équilibre en navigation (bain de soleil AV, console et places PAX reculées et / ou décentrées en roulis etc…) et leur propre « confort » de fabrication (emplacement du réservoir, batteries etc…)
Ce décentrage AR – sur les SR à flotteurs portants – n’aura que peu d’incidence visible sur l’assiette statique. En raison de la poussée d’Archimède induite par le fort volume immergé desdits flotteurs. Cependant, les effets néfastes de ce décentrage AR ne manqueront pas de se manifester en navigation une fois le canot déjaugé.
L’atténuation des effets de ce décentrage AR – comme la recherche d’une grande stabilité en roulis – sont à l’origine du choix de conception de ce type de SR « à flotteurs portants ». Plus orientés « grand public », ils sont ainsi conceptuellement plus stables / moins sensibles aux décentrages que les SR à flotteurs « hauts / non portants ».
Ces derniers demandent donc encore plus de soin quant à leur centrage.
Cependant même avec les canots à « flotteurs portants », il est judicieux de soigner le centrage aux fins d’éviter en navigation « marsouinage » et « raquettage » avec l’augmentation de la vitesse et le déjaugeage croissant qui en résulte.
Mais ce n’est pas si simple…
Le poids du mouillage et du matériel de sécurité (sous le bain de soleil AV par exemple) comme les « affaires » embarquées pour la sortie (vêtements / glacière / bivouac, etc…) ne suffisent généralement pas à recentrer .
Et comme de plus - pour des raisons de confort comme de « sécurité » - les PAX rechignent à s’installer vers la proue en navigation et / ou que pour les mêmes « raisons » leurs places dédiées par les chantiers se situent vers la poupe, le décentrage AR va encore s’accentuer une fois ceux-ci à bord…
Canot armé avec le plein, il sera alors nécessaire de réaliser le
recentrage par l’adjonction de lests :
(Et écarter – tout de suite – l’objection de l’augmentation de la masse / baisse de « performances ». Mieux vaut un canot alourdi de quelques dizaines de kilos et stable / équilibré dans ses lignes qu’un autre, capable en théorie de quelques knts de plus, mais affecté de la danse de St Guy.)
- Par du ballastage en réservoirs / « vaches » souples.
(avantage : lest variable / modulable + réserve éventuelle de carburant – inconvénient : encombrement)
- Par plaques de plombs / fonte stratifiées en des endroits judicieusement choisis. (avantage : encombrement quasi nul, plus de possibilités de placement, corrections plus fines – inconvénient : risques structurels si emplacements mal choisi.)
Ces lests corrigeront également – si nécessaire – l’assiette en roulis.
NB : Il n’est pas nécessaire que l’assiette statique soit neutre, que CP / CG coïncident.
Comme nous le verrons ci après - en navigation - avec le dessin des carènes planantes et l’incidence des filets d’eau, le CP se déplace vers la poupe.
Ce qui, avec le CG déterminé en statique pour une assiette neutre engendrerait un couple « piqueur ».
De manière à privilégier l’équilibre dynamique, il est donc judicieux de placer - en statique - le CG en AR du CP / « léger » décentrage AR aux fins d’obtenir une assiette
légèrement positive.
Cet ajustement du décentrage AR se réalise par tâtonnements / essais successifs en navigation sur plan d’eau lisse jusqu’à ce que le canot soit dans ses lignes avec une Trainée minimale.
Une fois le canot dans les lignes / centrage désirés, plein de carburant effectué et tous matériels / apparaux afférents au bord répartis, il restera à embarquer les passagers et matériels ad hoc pour la sortie en les répartissant judicieusement aux fins de
ne pas perturber l’équilibre obtenu.
B - Dynamique :
En dynamique (navigation), le canot est soumis à quatre forces. Les deux précédentes, verticales, plus deux nouvelles s’exerçant horizontalement (trim / poussée au neutre). La Poussée dans le sens de l’avancement et la Trainée dans le sens opposé.
Sur les coques planantes / portantes, la vitesse – génère
des lignes d’eau « incidentes » qui engendrent une portance dynamique et le déjaugeage.
C’est la variation d’incidence des lignes d’eaux dans leurs entrées sous l’étrave qui provoque le cabré à l’accélération et particulièrement au déjaugeage lors du passage de régime de portance "archimédéen" au régime de portance dynamique.
Cabré accentué par l’orientation vers le haut du vecteur Poussée. Cabré qui peut donc être atténué en faisant diminuer ladite incidence par un réglage du Trim au max négatif.
Un canot bien centré, trim en négatif max, « manettes dans les instruments » déjauge pratiquement à plat dans ses lignes. Sauf dessin foireux de sa carène.
1 ° Tangage :
Si le canot est correctement équilibré en tangage (conjonction CP/CG après recul du CP)
l’incidence structurelle (et l’assiette conséquente) va pouvoir être maintenue sans action corrective.
Cependant, avec l’augmentation de la vitesse, le "déjaugeage" se poursuit, la surface mouillée diminue (ainsi que la trainée), la carène navigue progressivement sur la partie inférieure de son V et ses virures les plus basses. Le CP continuant de reculer vers la poupe, le CG se retrouvant en AV de celui-ci, un couple « piqueur » se manifeste.
Avec pour effet de réduire l’incidence des filets d’eau et donc de diminuer la portance / ralentir le canot et faire redescendre l’étrave.
Ce qui avec la réaction de l’eau va engendrer
une oscillation en tangage, un type de « marsouinage » qui ne
doit donc rien à un mauvais centrage. Le canot est tout simplement
à sa limite de vitesse en raison de sa longueur / poids / dessin de carène.
Ce phénomène peut d’ailleurs être « artificiellement » induit – sans être encore à la limite - en poussant le Trim au max positif. Comme être atténué / supprimé par une action sur le Trim en négatif.
Par contre, dans cette situation, la descente de Flaps mobiles (si existants) ne ferait rien qu’accroitre le phénomène. Et en induire d’autres indésirables, comme le « chine walking » ou oscillation en roulis.
Puisque nous en sommes au « marsouinage », sa
forme « classique » - par décentrage AR - est provoquée par le couple inverse : le couple est « cabreur » induit par un CG situé en AR du CP.
Ledit couple a alors tendance à enfoncer le kul du canot / orienter le vecteur Poussée vers le haut. Ce qui induit une réaction de la portance (rebond du Kul) + une rotation du canot autour du pivot CP. Et à nouveau, une réaction de l’eau en portance sur l’étrave. Et c’est reparti pour le cheval à bascule…
Là aussi, le phénomène peut-être atténué par une action sur le Trim en négatif.
(Je n’aurai pas l’outrecuidance de rappeler les effets d’une variation du Trim. Il suffit de ne pas oublier que les effets de la rotation de l’hélice dans l’eau tendent à maintenir son arbre porteur horizontal. Ce n’est donc pas le vecteur Poussée qui change d’orientation mais l’assiette de la carène qui varie.)
Dans ce cas, une descente modérée des Flaps pourra endiguer le phénomène en recréant de la Portance sur l’AR / induisant un couple « piqueur » s’opposant au couple « cabreur ». Cependant, selon la vitesse, l’état de la mer et la hauteur du moteur cette action sur les Flaps pourra induire de la ventilation en faisant remonter l’hélice.
Mais comme il a déjà été dit, l’action sur Trim et Flaps n’est qu’un « cache-misère » qui ne résout en rien le problème de fond : un canot mal équilibré ou à ses limites.
2 ° Roulis :
Avec l’accroissement de la vitesse, la Portance augmentant conséquemment. Le canot navigue donc avec de moins en moins de surface mouillée, sur la partie inférieure de son V, et ses virures basses.
Plus sa coque est en V, plus la vitesse est élevée, plus l’hélice travaille profond et plus il va devenir
instable en roulis.
Cette instabilité « de forme » va être de plus renforcée dans le cas d’un mono moteur. En raison du
couple de renversement induit par la rotation de l’hélice. Couple de renversement dont l’intensité dépend du régime de rotation mais aussi des caractéristiques de l’hélice : Diamètre / Pas / Cup / profondeur de travail.) Pour un moteur « horo rotatif » le couple de renversement se fera sentir par une tendance à l’inclinaison sur bâbord. A cet égard, qui ne se souvient du « Pitalugue » … Qui tournait autour de son hélice…
Allant « vite », fortement Trimée en positif pour grappiller quelques knts,
la carène a perdu ses appuis directionnels / longitudinaux. Légère et courte, même avec un moteur monté « haut » (moins d’effet de couple) – même éventuellement décentré (sur Tribord) et une hélice ad hoc, la carène va avoir tendance – même bien équilibrée – à se « dandiner / osciller » d’un bord sur l’autre, la réaction de l’eau opposée au couple de renversement la renvoyant dans l’autre sens.
On a la sensation de naviguer sur le fil du rasoir
mais on laisse faire. Surtout ne pas essayer de compenser à la barre (« sur pilotage » qui ne ferait qu’amplifier l’oscillation) On serre – éventuellement - les fesses, mais jusque là, ça va !
Le « chine walking » ou « raquettage » vraiment soucieux – surtout pour des passagers insouciants qui n’y résistent / restent pas - survient :
- soit par une amplification croissante de l’oscillation jusqu’à ce que le redan externe de la carène (ou le flotteur selon son dessin) s’appuie « brutalement » sur l’eau (en cela aidé d’une vague inopportune) et renvoie le canot sur l’autre bord par la réaction induite. Et retour !
- soit sans oscillation préalable – cas le plus surprenant ! – en prenant une (toute petite) vague par le travers AV tribord avec pour effets conjugués un déséquilibre sur Bâbord et un enfoncement de l’hélice avec modification du sens de la poussée vers le haut et Tribord. Manifestation soudaine du couple de renversement garantie !
En ce cas, en plus de la paire (à minima) de claques en A/R, on pourra assister à un très joli (et aussi soudain) virage en lacet vers Bâbord avec dérapage / glissade du kul vers Tribord. Sensations assurées !
Ceux qui sont restés à bord font pipi. Puis repêchent les autres…
A ce type d’instabilité en roulis - sur un canot mono moteur léger / rapide – induite par le couple de renversement + surface mouillée réduite à minima, il n’existe qu’une seule solution en amont : ne pas Trimer en positif comme un goret !
Cela ne concerne pas – bien évidemment – les pilotes de canots de vitesse. Ce sont des gorets. (Non, je plaisante.)
Maintenant à vous d’enrichir le sujet…
Gil.