Acte I : il y a environ un an, balade à côté de chez nous, sur la Marne près de Paris : 6 CV pour une heure de bonheur fluvial. Madame : 'C'est trop bien, il faut qu'on recommence'. Monsieur : 'Oui mais qu'est-ce qu'on se traîne !'. Le loueur : 'Pourquoi vous ne passez pas le permis, la réglementation va changer, ça sera plus dur'. Madame : 'Ben oui, ça, pourquoi TU ne passerais pas le permis ?'
Aussitôt dit, aussitôt fait : Fin décembre 2008, Monsieur a ses permis (côtier et fluvial) en poche.
Acte II : depuis 5 ans, la famille n'a pas vraiment pris de vacances : boulot et construction de la maison oblige, et puis ensuite le bonheur d'habiter un petit paradis en bois dans la verdure pas loin de Paris : le dimanche de la vie ne quelque sorte (plus le boulot quand même... mais sur la terrasse et dans le jardin, ou dans la cuisine ensoleillée
). Bref : pas vraiment besoin non plus de se délocaliser. Mais... après cinq jours passés dans le sud dont un en Espagne (passage à Empuria Brava !) en Août dernier, le manque de 'mer' se faisait sentir cruellement. Et à la rentrée dernière, obsession de partir à nouveau au soleil. La Corse !! Pas allé depuis plus de dix ans... La Corse. Et le Bateau !
Acte III : Février : pas trop tôt pour réserver, au contraire. Et changer de style de vacances : la montagne plutôt que la côte : moins cher, plus frais, plus authentique, moins de populace. Quinze jours pris fin Août... Et pourquoi pas aussi à Pâques ? Paraît que le Maquis est en fleurs... Bingo. Au même endroit : ce sera à Lama. Une semaine. On en revient.
Acte IV : Alors voilà. Je passe sur la Corse à Pâques... Pas de mots ou alors il en faudrait trop. D'ailleurs, c'est pas qu'il y a des fleurs dans le Maquis : le maquis est fleuri, n'est que fleurs... Plus beau qu'un jardin paysager (la balade de Lama à Urtaca...) Et les odeurs ! Bref... 1200 km à rayonner la Corse à partir de ce centre stratégique idéalement placé. Et : le bateau, enfin : première !
Acte V : je ne cache pas que j'avais une forte appréhension. Et le vent qui soufflait continument me fournissait un bon prétexte pour repousser chaque jour la perspective de mener ma petite famille sur un frêle esquif affronter le flot inquiétant. Mais la météo annonçait finalement une accalmie pour vendredi : deux jours pour réviser quelques balises, un noeud ou deux, l'abordage (oui, j'avais déjà tout oublié !)... Le jour dit, après une courte nuit (n'arrive pas à dormir, levé avant le réveil), rendez-vous au port : L'Ile Rousse. Un BSC 53, 90 CV Evinrude. Madame et les enfants : 5 et 14 ans embarquent, insouciants. Pas moi : tant de responsabilités... Mais bon, faut pas se dérober. Sortie du port avec quelques hésitations et deux man?uvres hésitantes. Mais aucun bateau touché. Ouf. Et pas de ferry en vue. Re ouf. Les gaz doucement.
Le programme : La Scandola et déjeuner à Porto. Quelques criques pour musarder avant. On nous dit qu'il faut une heure et demie, il est neuf heures et demi. Pas de problème. Sauf que, comme prévu, il y a un peu de vent : 10 à 20 km/h annoncés. De fait, le clapot méditerranéen est bien au rendez-vous : 50 cm en moyenne me semble -t-il. Voyons voir ce qu'il a dans le ventre ce moulin : 3000 tr. J'allume mon tomtom : 33 km/h. Pas mal. Poussons un peu pour voir : 3400 tr, pas plus. Mais là, ça secoue, ça tape ; finalement ça saute sur deux vagues successives (qu'est-ce qu'elles faisaient là, celles-là ?). Le moulin part en sur-régime avec le déjaugage et retombe à 3000 tr pendant quelques secondes. On en profite pour se calmer, à la demande générale et on continue d'avancer à 3200 tr, tranquillement dans le bourdonnement du moteur et la brise qui refroidit le grand (en tee shirt sous sous sweat : 'j'aurai pas froid j'te dis. Ben voyons...'. Nous on est pas mécontents d'être en pulls sous nos coupe-vents étanches, casquettes et lunettes ).
Musarder dans les criques ? Hmmm. Je dois avouer qu'on avait plus envie d'arriver à la Scandola et passer du temps là-bas. Du coup, de loin, la côte nous paraît indéchiffrable : là-bas, c'est Algajola ou Calvi ? De loin, les fortifications peuvent passer pour le simple château de la belle Algajola... Il nous faudra des jumelles à l?avenir. Bref, on avance.
Voici la Scandola visitée il y a douze ans en bétaillère à touristes. Cette fois-ci, on est seul, c'est moi le capitaine, tout se passe bien. On approche, on lèche la côte, les murailles, et puis là, une baie nous tend les bras. Difficile de consulter l'Escales dans le clapot, approchons. Et si on essayait de s'arrêter ? Tout le monde le réclame, le petit a fait son Mankenpiss mais moi je n'y suis pas décidé, quant à Madame...
J'approche, tranquillement, et hop! sur la plage... J'accroche l'ancre dans les caillous. Ca tient bien, excepté quelques grincements de la coque ballotée sur le sable un peu gros (quelques caillous). Un petit coup de plus pour remonter le bateau et ça ira mieux.
J'apprendrait plus tard qu'il est interdit de s'amarrer dans la Scandola... en Août. Le guide Escales, lui, dit que c'est interdit toujours. Zut, ça commence mal... Mais bon, on ne l'aura su qu'après : manque de préparation certain, effet probable de mon hésitation initiale. Toujours est-il que... Bref, pas de mots : grandiose, unique, incroyable, les plus belles 30 minutes de notre virée nautique. J'apprend plus tard qu'il s'agissait de la Marine d'Elbo ! Un des plus beaux sites de la région...
C'est reparti vers Porto. Passage impressionnant entre la côte et l'Ile de Gargalu : j'ai le souvenir qu'en été c'est bourré de voiliers et de baigneurs à cet endroit. Là, il n'y a que nous et un kayak. La vue est à vous couper le souffle.
Les estomacs crient famine alors on accélère, le clapot à diminué. Je mesure 52 km/h et puis réalise qu'il est temps de découvrir le trim. Et là, c'est comme si le moteur pouvait enfin s'exprimer : 56 km/h... Mais qu'elle est longue cette baie de Porto...
Treize heures : pas fâchés de pouvoir se mettre à l'abri. Je demande à un loueur à qui demander pour savoir où m'amarrer : '- mettez-vous à la 12'. Tout simplement.
On en a plein les oreilles, le grand a froid, on est crevés. Excellent déjeuner sur une terrasse avec vue magnifique sur le port. Il est déjà 14h45. La proposition du grand de visiter l'aquarium est rejetée par le Comité Exécutif : on n'est pas là pour autre chose que le bateau , alors chacun à son poste et pas de discussion sinon les mutins sont promis au fond de cale avec les rats. Non mais.
'- Et si on en profitait pour aller à Piana ?', propose Madame, toujours pleine de bonnes idées qui rallongent les virées et vous font rentrer en pleine nuit sur des routes inconnues après un détour de 200 km. '- OK. ' Répond Monsieur toujours prêt à se laisser embarquer.
Pas déçus de Piana, même si c'est peut-être encore plus impressionnant de la route. Là, c'est les premiers baigneurs, et les bateaux de touristes qui montrent leurs fesses aux grottes qu'ils ne peuvent, obèses, traverser. Et si on y allait, nous ? On peut ? Paraît que oui. Banco. Monsieur fait étalage de son doigté. Pas mal pour une première fois : ça passe, c'est magique. Le petit a réussi à s'endormir. Le grand filmera. Quand le petit verra les images, le soir, il pleurera de n'avoir pas été éveillé. Pas grave, on y retournera cet été. Promis. Si on trouve un bateau à louer...
Et puis c'est le retour. Long, très long. Avec le clapot qui a refait son apparition. Encore un saut et un déjaugeage. Mais ça avance. Le temps passe vite malgré tout ; surprise : sans musarder, il est déjà cinq heures ! On sera au port à 17h30 pour render le bateau avant 18 heures comme prévu. Entre temps, subitement, le moteur coupe et l'aiguille du compte tours reste bloquée sur ses 3200 tr... Mais ça repart. Que s'est-il passé ? Aucune lumière de s'est allumée pourtant. Peut-être ai-je tiré sans le vouloir sur le coupe circuit. Bref, tout va bien. Et c'est le retour, épuisés et quelque peu dubitatifs : le grand : '- plus jamais ça'. Madame : ' Dure expérience ». Moi : « je ne suis pas sûr qu'on va acheter un bateau'. Le petit, qui a souffert 'du vent dans la figure' avant de crier de joie à chaque saut, lancera la seule appréciation positive : 'c'était super cette journée Papa'.
Quand j'ai dit à la loueuse qu'on avait été jusqu'à Piana, elle a compris notre fatigue : 'peu de gens vont aussi loin'. On a quand même fait 5h30 de bateau, dont beaucoup à bonne allure et sifflé plus de la moitié des 160 L du réservoir d?essence.
Le lendemain et les jours qui suivent : un grand souvenir une fois la fatigue oubliée
Alors les enseignements de cette journée ? Probablement qu'il faut plus gros ou en coque rigide pour un tel programme. Probablement qu'un tel programme n'est pas à faire sans s'attendre à une telle fatigue. Alors un bateau plus petit juste pour aller aux Agriates ? Ou prendre plus de temps pour flâner, aller plus doucement ? S'arrêter plus longtemps, se contenter d'un seul spot. Certainement. Acheter un bateau ? Pas sûr. Pas pour l'instant avant d'avoir compris ce qu'on en attendait. On recommencera donc (si on trouve à louer) cet été... A suivre donc très bientôt...