L'État prépare 40 millions de permis électroniques
Mots clés : permis électroniques, sécurité routière, permis à points
Par Jean-Marc Leclerc
01/02/2011 | Mise à jour : 09:23 Réactions (221)
INFO LE FIGARO - Ces cartes à puce biométriques permettront de consulter son historique de points depuis l'ordinateur familial. Et faciliteront beaucoup le travail de la police routière?
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«Une révolution silencieuse.» La formule employée par le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, pour évoquer le futur permis de conduire tricolore en dit long sur les espoirs que fait naître dans l'administration cette nouvelle génération de documents. Déjà passée maître dans l'élaboration des passeports biométriques, qui ne requièrent plus en moyenne que sept jours pour être délivrés, la France se prépare à diffuser 40 millions de permis de conduire électroniques. Ils prendront la forme de cartes à puce semblables à des cartes bancaires, avec photo du titulaire gravée dans la masse, mais aussi enregistrée dans la puce, tout comme sa signature électronique. Éventuellement, pourront figurer ses empreintes digitales, et des perfectionnements dont Le Figaro a pu percer les secrets.
Une directive européenne du 21 décembre 2006 oblige la France, comme tous les pays de l'Union, à se tenir prête à éditer ses premiers permis numériques dès le mois de janvier 2013. Selon un cahier des charges draconien. La Direction de la modernisation de l'action territoriale, confiée au préfet Jean Benoît Albertini, doit en assurer le respect scrupuleux. Coût de développement estimé : 40 millions d'euros. Coût de fonctionnement du système d'édition des titres : 20 millions supplémentaires par an.
Les fonctionnaires de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), à Charleville-Mézières (Ardennes), seront chargés de suivre la réalisation et surtout de garantir la certification de chacun de ces nouveaux permis. Car derrière se cache un fichier sécurisé où ces protecteurs de l'identité conservent précieusement les éléments attestant que celui qui présentera ses papiers est bien celui qu'il prétend être. «L'ancien permis rose était si facile à falsifier et la photo agrafée dessus datait souvent de Mathusalem», déplore le préfet Raphaël Bartolt, patron de l'ANTS. Quand le document ne tombait pas en lambeaux comme un vieux parchemin. Curieusement, 500.000 permis roses étaient déclarés perdus ou volés en France chaque année. De quoi nourrir bien des suspicions sur un système de fraude généralisé.
Que les nostalgiques de ce triptyque papier se rassurent toutefois: la France a jusqu'à 2033 pour en purger le stock. Les nouveaux permis européens en polycarbonate devraient donc être distribués au rythme de 2 millions par an. Et ils ouvriront droits à d'innombrables fonctions répondant aux trois objectifs fixés par Bruxelles: améliorer la lutte contre la fraude documentaire, faciliter la libre circulation des personnes et faire progresser la sécurité routière.
Depuis son domicile, le titulaire de ce nouveau permis pourra ainsi, grâce un lecteur de cartes guère plus gros qu'une souris, consulter instantanément son nombre de points, avec un historique des pertes et des gains, et peut-être même les motifs des retraits. Il n'aura qu'à se rendre via Internet sur un niveau dédié du site du ministère de l'Intérieur. «Quand on sait mieux où l'on en est avec ses points, on est plus vigilant sur la conduite à tenir au volant», se félicite Patrick Levaye, directeur du projet «titres sécurisés», Place Beauvau.
La police y trouvera aussi son compte, puisque ce système d'information fiable sur le titulaire lui sera accessible au niveau européen. «Fini le tourisme du permis de conduire, où les chauffards qui se le faisaient retirer dans un pays le repassaient dans un autre pour échapper aux rigueurs de la loi !» , prévient un commissaire de police parisien. Désormais, la police, munie de lecteurs embarqués dans ses voitures de patrouille, aura accès à l'historique en temps réel. Et les PV devraient suivre plus facilement en Europe. À supposer que les pays de l'Union s'entendent pour faire exécuter les poursuites au-delà de leurs frontières. Ce qui, pour de nombreux États, peut prendre encore un certain temps?
Vers une visite médicale obligatoire pour les conducteurs ?
Le permis de conduire électronique sera renouvelable tous les quinze ans à compter de 2013. Avec, dès maintenant, une question délicate à se poser : faut-il profiter de ce grand renouvellement pour faire passer une visite médicale aux automobilistes ? Ce n'est pas seulement une question d'âge. Les millions de Français qui roulent aujourd'hui n'ont jamais été soumis à un contrôle médical approprié. «Beaucoup ont des problèmes de vue mal corrigée, d'alcoolisme récurrent, de motricité, de surdité, d'appréciation des distances ou de temps de réaction», explique un expert médical dans une préfecture. En Italie, la visite médicale est obligatoire tous les dix ans et tous les cinq ans, à partir de 65 ans. Les ministères de l'Intérieur, de la Santé ou des Transports n'ont pas encore dit où il fallait placer la barre pour renforcer la sécurité routière à l'occasion du renouvellement de permis. Mais les mécanismes européens qui encadrent ce projet devraient obliger la France à fixer ses règles du jeu avant l'échéance présidentielle de 2012?
Par Jean-Marc Leclerc