Salut les Copaings !
Je vous propose un petit topo réalisé il y a quelques années de cela (mis à jour à cette occasion) à l’intention d’un gusse croisé sur un vol et désirant acquérir un SR avec lequel il souhaitait effectuer des traversées Continent-Corse.
Les coutumiers de la manip passeront donc à autre chose. Quant à ceux qui ont ce projet et pas d’expérience - peut-être - pourront-ils en tirer quelques profits.
A - La Navigation :
De 100 à 120 NM à parcourir de Nice / Menton à Calvi où de Hyères via le Levant / Port-Cros vers le golfe de Porto / Calvi.
Soit de 3 à 6 heures avec une croisière de 40 à 20 knts selon l’état de la mer et / ou la motorisation du canote.
Dans une zone où d’W en E, dominent des vents de SW / NW puis d’E/ NE avec un fetch W de 200 NM + et E de 60 à 150 NM levant une houle de faible longueur d’onde (Lo) / période (T) et d’Hauteur significative (Hs) de 1 à plusieurs mètres) avec des trains résiduels sur plusieurs jours pouvant se croiser. La mer est ainsi souvent « hachée », dure à naviguer. Et ce d’autant plus que le canote est léger / rapide.
Pour une navigation de 3 à 6 heures, un minimum de confort / ergonomie sera nécessaire tant pour le barreur que pour les PAX. Confort / ergonomie que l’on ne trouve (AMHA) que très rarement sur les SR de « plaisance » : pare-brise inexistant ou trop bas ; triangle barre / gaz / barreur « mal gaulé » ; écart barre / leaning post trop court ou trop grand; absence de maintien en latéral / roulis.
Avec un canote de ce genre - essentiellement destiné à de courtes navigations côtières malgré la conception en cat. B – il pourra s’avérer utile ou nécessaire d’effectuer au préalable des navs côtières de durée croissante aux fins d’adapter à sa morphologie (et autant que faire se peut) le poste de barre comme les emplacements PAX prévus. En effet, une position « sans problème » sur une demi-heure / heure peut s’avérer franchement inconfortable au bout de deux et tout à fait insupportable après 4. Alors 6 …
B - Le canote :
Rappel des paramètres influant positivement sur la capacité de franchissement :
Poids ; longueur ; allongement (L/l) ; dessin de carène ; angle de quille au tableau AR (et non à l’étrave comme certains dessins « marketing » dits « évolutifs ») ; stabilité en roulis ; puissance / vitesse.
Sur le confort / sécurité :
Stabilité en roulis ; ergonomie du poste de barre ; protection au vent / embruns / soleil, puissance / vitesse.
Plus un canote sera lourd et rapide et plus il aura d’énergie cinétique / inertie à opposer au clapot / mer du vent / houle et plus il lui sera possible de naviguer en confort / sécurité dans des conditions plus « musclées ». En navigation, « bigger is always better ». Sauf pour le portefeuille…
Pour un programme de traversées fréquentes « all season », les minima avoisinent 24’ ; 2 ts en charge ; 2 X 150 HP ; double hydraulique ; poste de barre protégé (vent / embruns) ; T-Top (ombre) ; sièges suspendus ou bolsters ; GPS traceur fixe.
Pour de l’occasionnel/ exceptionnel « estival », cela peut le faire en monomoteur avec à peu près tout vecteur de type plaisance qui rentre dans les clous réglementaires : catégorie de conception (CE) B, armé en 3 ème. catégorie de navigation. (D 240).
(A cet égard et en passant, j’ai bien connu deux ados qui - dans les années 80 - ont réalisé sans encombre la traversée AR ( en mode furtif) à bord d’un Mk3 Futura Zodiac + 50 Cv Mercury barre franche, navigation à la boussole à main « expe. » Silva et VHF portable au cas où…)
Remarques sur la catégorie de conception B :
En théorie, les canotes de cette catégorie sont conçus pour des navigations « au large » par mer du vent (F8 B +, vagues de 4 mètres). En théorie …
Effectivement cette cat. B est attribuée aussi bien à des SR « plaisance » tels les Capelli Tempest 7.00 Sun / 1050 kgs (sans moteur) / carb : 220 lits ou Zodiac N-Zo 760 / 1530 kgs (idem) / carb 300 lits qu’aux canotes de chez Milpro, Madera ou Sillinger gamme « militaire ».
Or, les canotes « plaisance » en raison des contraintes de marketing (coût de fabrication / prix de vente sur un marché très concurrentiel ; performances « attractives » en regard de la puissance de motorisation sont de construction particulièrement « légère ».
De par leurs dessins de carènes (plats / portants), leurs faible masse, leurs flotteurs bas / volumineux destinés à procurer de la stabilité en roulis tant à l’arrêt qu’en navigation ; ces canotes - tout en pouvant atteindre les 40 knts + et croiser à 30 – se comportent comme des balles de ping-pong dans le clapot / mer du vent.
La tenue de cap comme le maintien d’une vitesse constante sont difficiles et donc fatigants. Comme les « coups de becs » et le marsouinage constants.
Visite « pré-nav » :
La « pré-nav » pour une (semi) hauturière - en principe - ne diffère en rien de celle effectuée pour n’importe quelle sortie côtière.
- Tous les niveaux de fluides : huiles moteur + embase + hydraulique de barre,
- Charge complète des batteries moteur + servitude,
- Intégrité circuit carburant + filtre décanteur clair,
- Fonctionnement nominal de l’électronique : GPS traceur fixe + portable redondant / VHF fixe + portable.
- Matériel de sécurité (feux, gilets, BIB, extincteur, eau potable + nourriture 24 heures +, vêtements ad hoc, etc…)
Carburant / conso / autonomie :
- La conso effective (horaire / NM) devra avoir été mesurée / vérifiée à la charge utile de traversée dans des conditions de nav identiques aux différents régimes de croisière envisagés (éco / lente, standard, rapide) + en remorquage du binôme.
- Le volume de carburant embarqué devra permettre d’assurer la distance point à point + 30 % de sécurité au pire des rendements.
- Si le plein du/des réservoirs intégrés est supérieur à ce volume, ne pas lésiner et faire le plein à partir d’une source fiable (non contaminée).
- Si le plein du/des réservoirs intégrés est inférieur à ce volume, (cela se produit parfois / trop souvent avec des canotes pourtant de cat B (CE). Ex : Capelli Tempest 775, rés. Carb : 250 litres). Il faudra envisager de transborder à partir de contenants annexes. Même à la « branlette », pétole souhaitée / nécessaire…
- Les jauges intégrées étant de fiabilité / précision tout à fait douteuse ; idem pour les débitmètres (Trip Fuel / Fuel Flow) émanant de l’ECU du moteur, l’installation d’un débit mètre mécanique sur l’alimentation en carburant (entre le filtre décanteur et le moteur) sera un plus permettant de suivre en temps réel la conso + volume résiduel du réservoir.
C - Le choix de la fenêtre MTO,
Note liminaire :
Nonobstant la « foultitude » de sites dédiés à la MTO et sa prévision, il est admis que le Chef de Bord possède les fondamentaux de la météorologie (masses d’air / fronts / perturbation/ stabilité / anticyclone / dépression / convexion / gradients / vents synoptiques – brises locales, etc…) comme des différents modèles de prévision accompagnés d’une capacité à interpréter les conditions réelles rencontrées.
Dans le triptyque habituel houle / vent / mer du vent - avec un canote planant /léger/ rapide - le paramètre significatif sera la houle avec ses caractéristiques de Hauteur significative (Hs), de longueur d’onde (Lo) et de période (T).
Et ce d’autant que dans cette zone de navigation, la houle se montre souvent de courte longueur d’onde / période. En ce cas, même avec une Hs modérée (inférieure au mètre), la navigation devient (très) dure, le planer difficile à maintenir, le rendement exécrable et le temps de traversée subjectivement trop long…
Houle :
Les trains de houle dominants sur la zone sont de secteurs W et E.
Ils se forment dans le golfe du Lion sous l’influence de la Tramontane et du Mistral ; dans le golfe de Gênes sous celle du Grégal et du Levant. Ils augmentent en Hs, Lo et T avec le fetch. (Distance sur laquelle souffle le vent)
Ainsi de manière à déterminer la « fenêtre de tir » / jour de traversée, il faudra suivre les situations MTO sur ces deux zones. En faisant attention aux levées / établissements de ces vents aux fins de prévoir l’arrivée sur la route envisagée des trains de houle correspondant.
Schématiquement :
Par houle d’W la situation pourra s’avérer piégeuse : au delà de la situation observée à la côte, il faudra s’attendre à un renforcement de la Hs à partir du second tiers de la route jusqu’à l’atterrissage avec une faible compensation d’augmentation de Lo / T. Avec de plus - en approche - des phénomènes de croisement dus à l’enroulement sur la côte Corse des houles résiduelles de brises côtières. Ces croisements combinés au ressac sont capables de générer un « vrac » particulièrement pénible à naviguer en finale. Même par vent nul…
Par houle d’E, Hs, Lo, T seront établies dès le départ, avec une valeur de Hs croissante vers l’W. Un renforcement de la Hs initiale sera à prévoir en approche de la latitude du cap Corse (sans variation notable de Lo / T) avec une rotation croissante au NE et diminution progressive de la Hs en approche. Même situation de « vrac » possible en finale.
Mer du Vent :
Toujours avec un canote léger - et eu égard aux éléments afférents sus cités - une MdV < 3 B est à retenir sur la majorité du parcours. Dans le même sens que la houle s’il s’en trouve.
En approche de la Corse, sur les 20 derniers NM (environ), selon la saison et / ou l’heure d’atterrissage un régime de brise (thermique) pourra éventuellement se rencontrer. Sur la cote occidentale - lorsqu’il se trouve un important gradient de température mer / terre, des brises de terre pouvant atteindre les 5B peuvent s’établir en matinée. Et rendre la finale un tantinet pénible avec la MdV en plein sur la quiche.
N.B : au delà de ses propres facultés à analyser une situation MTO, il existe des modèles disponibles sur le Web et notamment :
www.lamma.rete.toscana.it/mare/modelli/vento-e-mare
Qui selon mon expérience est (de loin) le plus pertinent.
En conclusion :
Avec un canote léger / court et monomoteur (éventualité de dépannage par remorquage du binôme), quelles que soient les ambitions / valeurs de l’équipage, les conditions optimales (sécurité / confort) de traversée se nomment « pétole établie» ou « temps de tarlouzes ». A la rigueur : 2B de MdV et une houle de même sens Hs < 0.5.
Ce qui se produit. Mais pas tous les jours. Et éventuellement, pas le jour où on aimerait traverser pour des raisons diverses et variées. Mais toutes d’importances et ne pouvant être remises …
A titre de RETEX :
Avec mon canote MILPRO SRR 870 / 2 X 225 / carb : 620 Lts / 3,5 ts en charge / timonerie fermable / sièges suspendus ULLMAN, je fais l’AR plusieurs fois par an, été comme hiver.
Nonobstant ses capacités de franchissement, je ne traverse usuellement que par « pétole établie » avec des conditions de houle max (Hs < 1 m / Lo : 20 ms +) ce qui me permet alors de croiser à 35 knts pour environ 4 heures de route.
Cependant en raison de quelques impératifs, il m’arrive d’être « contraint » de traverser dans des conditions moins favorables. (Mais pas beaucoup moins, sinon « No Go »).
Je me souviens d’un Hyères - golfe de Porto avec une prévision (vérifiée) de 3 B de SW au départ et de 5 B de N de mi-parcours à l’atterrissage. Houle non significative.
Rien de bien terrible sur le papier. Et bien, on s’est fait copieusement braire !
Si les 60 premiers NM se sont passés « velours » à 35 knts, les suivants n’ont pas été du même tonneau. Avec 1.5 m de creux à 10 ms de Lo – même sur la hanche – la vitesse est tombée à 25 knts avec nécessité de jouer sur les commandes en permanence. 3 heures à ce régime et nous sommes arrivés complètement frits. Et bien sur rincés ...
Malgré les Ullman et une bonne musculature, j’ai fini avec les bras et les deltoïdes tétanisés (vivent les repose-bras Schock Wave que je n’ai pas !). Obligé de faire des pauses pour pouvoir encore manœuvrer barre et gaz.
Alors que les mêmes conditions (et beaucoup plus), une grosse demi-heure, ce n’est que franche rigolade.
Bonnes navs à Tous.